11236 - Schémas mentaux de la Géostratégie européenne
N. Lygeros
Pour comprendre les schémas mentaux de la Géostratégie européenne, il est essentiel de pouvoir comparer une carte actuelle de l’Europe avec celle de 1914. Une centaine d’années sépare ces cartes et pourtant nous retrouvons des ressemblances étonnantes comme si le siècle passé avait reconstruit à sa manière un paysage connu, comme s’il avait retrouvé ses marques historiques. Cependant cette comparaison ne doit pas s’arrêter au statut de l’Europe mais comprendre celui de l’Union Européenne car dans le cas contraire un morcellement intérieur apparent pourrait donner la fausse impression de différences importantes. En effet, une réflexion menée sur l’évolution à partir de 1957, éclaire de manière particulièrement efficace la recherche d’un espace historique, sous prétexte d’établir, au moins initialement un espace exclusivement économique. De cette manière, nous pouvons saisir l’importance de la notion topologique de connexité, puisqu’elle est présente dans le noyau initial formé avec les six états membres. Elle met aussi en évidence une conséquence importante qui fonctionne comme un schéma mental combiné à savoir un principe du calcul des variations, puisque nous avons une minimisation de la longueur des frontières avec simultanément une maximisation du territoire. Cette combinaison surprenante traverse toute l’histoire de l’évolution de l’Union Européenne si nous n’oublions pas de considérer dans le même temps l’espace maritime qui explique l’adhésion de deux pays insulaires sur le front Atlantique parallèlement à l’extension vers le nord de la structure initiale. Elle donne aussi un sens à l’ouverture singulière sur l’espace de la Méditerranée orientale qui sera par la suite complétée par l’extension cette fois naturelle de la péninsule dans l’espace de la Méditerranée occidentale et l’acquisition d’un contact avec les deux fronts de mer. Ensuite l’évolution dans les années quatre-vingt-dix donne du sens à l’extension initiale vers le nord mais aussi à la notion d’encerclement topologique qui aboutit à celle de trou topologique. Le grand changement de phase de 2004, est somme toute naturel sur le front oriental mais aussi avec l’ajout de deux éléments insulaires en Méditerranée qui structure cet espace vis-à-vis de l’Afrique. Dans ce cadre, les nouvelles adhésions de 2007, représentent l’établissement nécessaire d’un pont relationnel qui a eu pour conséquence d’engendrer un second trou topologique, devenu par la suite objectif de cette vision topologique, voire même topostratégique, de l’Union Européenne comme le confirme la nouvelle adhésion de 2013. Ainsi la géostratégie européenne en devenant plus compacte via une topologie efficace, retrouve son ontologie historique comme le prouve le Traité de Berlin de 1878.