8625 - La Turquie et le Malentendu

N. Lygeros

Puisque certains ont du mal à réaliser ce qui se passe en ce moment au sujet de la pénalisation de la négation des génocides reconnus par la France, nous avons pensé que la pièce d’Albert Camus intitulé Le Malentendu, pourrait leur être d’un précieux secours dans cette prise de conscience. Pour cela, il suffit de changer les noms des personnages afin de clarifier les choses et éviter, si nous osons dire, les malentendus. Ainsi le personnage de Martha correspond à celui du bourreau, Maria à la survivante, la mère à la collaboratrice, Jan à la victime et le vieux domestique à l’indifférent. Dans ce nouveau cadre, l’absurde prend un sens qui n’est ni désuet ni obsolète mais bien d’actualité. Certes, beaucoup d’entre nous ne connaissent pas suffisamment la pièce pour se souvenir des répliques des personnages, aussi nous avons pensé que certaines d’entre elles devaient être rappelées. Celles-ci suivent l’ordre de la pièce.

La collaboratrice : « Je sais, par expérience, qu’il vaut mieux ne pas les regarder. Il est plus facile de tuer ce qu’on ne connaît pas. » Acte I, Scène1.

Le bourreau : « Le crime est le crime, il faut savoir ce que l’on veut. » Acte I, Scène1.

La victime : « Ma mémoire n’est pas juste. Elles m’ont accueilli sans un mot. Elles me regardaient, elles ne me voyaient pas. » Acte I, Scène1.

La survivante : « Je veux rester. Je me tairai et j’attendrai près de toi que tu sois reconnu. » Acte I, Scène1.

Nous pourrions ajouter de nombreuses répliques dans cette mise en exergue, car le texte d’Albert Camus est très fort et marque les esprits. Le problème du malentendu est fondamental mais en tant qu’élément de l’absurde alors qu’il est bien souvent exploité comme une excuse.

Le bourreau : « Si vous voulez le savoir, il y a malentendu. Et pour peu que vous connaissiez le monde, vous ne vous en étonnerez pas. » Acte III, Scène 3.

Car c’est bien là le problème, si l’indifférence et l’oubli parviennent à effacer la mémoire des génocides, leurs tenants nous diront-ils par la suite qu’il s’agissait simplement d’un malentendu et qu’ils n’avaient pas réalisé ce qu’ils faisaient ?

La survivante : « En vérité, j’ai à peine eu le temps de souffrir ou de me révolter. Le malheur était plus grand que moi. » Acte III, Scène 3.

Seront-ce les mots que nous entendrons alors de la part des survivants qui n’auront pas lutter véritablement dans ce débat national ?

Car si c’était le cas, il ne faudrait pas qu’ils oublient la fin de la pièce d’Albert Camus. (Acte III, Scène 4).

L’indifférent, d’une voix nette et ferme
Vous m’avez appelé ?

La survivante, se tournant vers lui
Oh ! Je ne sais pas ! Mais aidez-moi, car j’ai besoin qu’on m’aide. Ayez pitié et consentez à m’aider !

L’indifférent, de la même voix
Non !

RIDEAU

Ce qu’il fallait démontrer.