7905 - Sur la nouvelle édition des persécutions des médecins arméniens

N. Lygeros

Avec la nouvelle édition du livre de l’Union des Médecins Arméniens, intitulé Les persécutions des médecins arméniens pendant la Première Guerre en Turquie, l’Institut Tchobanian poursuit son travail de témoin actif de l’histoire. Ce livre n’est pas un livre de plaisance et il n’essaye aucunement de plaire. Le but de l’Union des Médecins Arméniens est autre et il correspond à celui de l’Institut. La préface d’Yves Ternon est impeccable de clarté. Par sa contextualisation, elle met à l’aise aussi bien le chercheur que le combattant face à ce livre engagé dépourvu de toute diplomatie en raison de l’ampleur de la tâche. Ce qui est impressionnant dans ce livre, c’est la volonté à toute épreuve des Médecins Arméniens de laisser une trace dans ce nouveau combat, à savoir les prémices de la reconnaissance avant même la fin du génocide. Le travail des Médecins Arméniens est d’autant plus courageux qu’il s’agit d’accuser nommément des hommes du même ordre car ils ont choisi d’oublier leur serment pour prêter main-forte au génocide en organisant des atrocités scientifiques dont ils étaient fiers comme le témoignent leurs propres écrits. Ainsi nous trouvons dans ce précieux livre un catalogue de ces bourreaux du génocide qui n’ont pas hésité à manipuler l’humain à travers des expérimentations barbares. Ce précis montre la fierté des médecins turcs non seulement d’avoir participé mais d’avoir amélioré le rendement de l’anéantissement du peuple arménien. Il s’agit donc d’un chef d’accusation double à l’encontre de l’humain et du médecin car ils ont exploité ces deux visages pour broyer littéralement leurs victimes. Ce livre ne se contente pas seulement d’accuser avec précision, il témoigne aussi en offrant à l’humanité de l’avenir les noms des médecins, des pharmaciens, des dentistes assassinés ou contaminés par le typhus dans le cadre de l’expérimentation inhumaine de l’appareil turc. Cette nouvelle édition n’a pas manqué de signaler la différence entre les bourreaux et les victimes de manière digne et discrète grâce au signe de deuil sur les pages du livre. C’est un geste simple et touchant dont le symbolisme ne peut laisser indifférent. Ce petit livre achève son rôle dans la grandeur humaine en mentionnant aussi les privations et les souffrances de nos médecins survivants mais en plus un honneur aux disparus. Il est certain qu’il s’agit d’un témoignage à ne pas mettre entre toutes les mains, mais dans la pensée des chercheurs et dans l’esprit des combattants toujours à la recherche non pas de la véracité du génocide des Arméniens car aucun de nous ne discute de cela, mais des preuves précises, tangibles et accablantes à l’encontre de ce bourreau de l’humanité, l’appareil turc.