745 - Sur la singularité du temps

N. Lygeros

Le temps, ce lieu sans espace, chargé d’histoire, est l’essentiel de notre existence. Caché par son omniprésence, il domine notre vie bien plus que toutes les autres dimensions connues. Il s’engouffre dans notre passé et se développe dans notre avenir comme si nous n’étions que des morceaux de ce dernier. Dépourvu de toute couleur, il a la puissance du simple et de l’invisible. Il nous définit comme un espace temporel, un trait infinitésimal et nous oblige à créer pour exister dans cet espace. Sans maître, ni disciple, le temps demeure unique pour nous. Divinisé par certains, profondément humain pour d’autres, il représente la téléologie de notre ontologie. Car il est aussi le reflet de notre intelligence. La causalité de l’espace-temps est d’autant plus complexe qu’elle contient notre part d’intelligence et d’humanité. Nos découvertes sur sa flèche et ses principes asymétriques, enrichissent notre vision noétique. Comme si nos conceptions comblaient l’espace du vide, comme si elles expliquaient la matière de notre ignorance. Le temps reste cet attracteur étrange autour duquel tout gravite. Il est aussi le miroir de nos réflexions les plus profondes. Il est l’inscription inscrite dans sa matière. Il est vraisemblable qu’il soit quantique, il est certain qu’il soit plus complexe que ce que nous pensons pour le moment. Car dans sa grande simplicité, le complexe ne peut que s’immerger sans pour autant se confondre. Il est notre contenant, sans que nous soyons son contenu. Il est la musique de notre silence. Il s’étend autour de nous tel un océan sans pour autant nous noyer dans son immensité. Il est sensible à toutes les échelles sans être cependant accessible. Le temps emporte avec lui son caractère irréversible et trace sur notre humanité son inscription cryptique. À l’instar d’une machine universelle, il cryptographie de manière quantique l’ensemble des évènements cognitifs de notre réalité. Sa structure code la nôtre et lui donne l’importance de nos transformations. Ainsi notre structuration lui doit l’essentiel de son évolution et de sa complexification. Nous nous gorgeons de sa matière comme s’il s’agissait de lumière. Il est non seulement une source de mythification mais aussi le fondement de notre nature profonde.