609 - Précocité et surdouement

N. Lygeros

Dans les cadres psychologique et social, il existe un accord tacite qui engendre une confusion entre les notions de précocité et de surdouement. Les considérant volontiers comme des notions identiques, ils induisent une erreur sur le plan cognitif. Pour notre part nous associerons le terme précocité exclusivement au résultat obtenu d’un test qui compare l’âge chronologique et l’âge mental et le terme surdouement au résultat obtenu à un test qui ne considère que la distribution normale de la population. Même si cette distinction peut sembler quelque peu artificielle initialement nous verrons par la suite qu’elle est corroborée par la psychométrie et la réalité sociale.
L’erreur que nous souhaitons dénoncer, c’est que l’enfant précoce est nécessairement surdoué. En construisant notre raisonnement sur les définitions explicites des notions de précocité et de surdouement nous allons montrer que cette idée ne correspond en aucun cas à la réalité. Tout d’abord la précocité est une donnée relative et non intrinsèque. De plus celle-ci est fortement perturbée par une composante culturelle. En effet selon le niveau d’éducation des parents, l’enfant a une précocité plus ou moins grande. Cela a une explication simple puisqu’à niveau éducatif plus élevé, l’enfant moyen est pour ainsi dire enrichi culturellement ce qui est sensible au cours du passage de tests de type WISC et c’est pour cette raison que l’on observe une corrélation. En réalité par précocité, nous n’entendons pas la mentation de l’enfant mais celle de son cadre relatif. Aussi sur le plan strictement cognitif, l’enfant précoce est avant tout une potentialité. Il est possible qu’il soit surdoué mais ce n’est pas nécessaire. De plus comme cette précocité dépend fortement du milieu, elle peut grandement évoluer et pour ainsi dire disparaître dans un milieu hostile. Tandis que le surdouement qui est une donnée plus générale puisque par nature, elle ne dépend plus du temps de développement est plus révélateur de la nature intrinsèque de l’individu et donc de sa mentation. Il correspond à un état stable sur le plan mental et il est fortement g-loadé. Aussi, ce n’est plus une potentialité mais une réalité. Pour être plus précis c’est la réalité du potentiel comme la précocité n’est que le potentiel du potentiel. Ainsi cela ne signifie pas que le potentiel est réalisé. Nous avons donc la différence entre il pourrait faire, il peut faire et il fait. En d’autres termes, comme le précoce n’est pas nécessairement surdoué, le surdoué n’est pas nécessairement réalisé.

Dans le cas du surdouement, si l’on veut réellement aider l’enfant à s’épanouir il faut lui procurer un enseignement spécifique. Seulement avec l’erreur que nous avons analysée, ce qui est souvent proposé c’est simplement un décalage temporel du même enseignement. Pourtant le saut d’une classe n’est pas une solution véritable pour l’enfant même si cela aide l’enseignant qui ne le voit plus. La différence temporelle est due à la différence car c’est uniquement elle qui fait la différence. Aussi l’enseignement doit être différent et ce de manière fondamentale. Il doit être adapté non à l’ensemble mais à l’unité et donc à la mentation de l’individu. Le processus maïeutique ne doit pas correspondre à une simple induction mais à une véritable abduction. Et c’est en ce sens qu’il s’agit plus d’une relation de type maître-disciple que professeur-élève. Car il faut l’esprit du mentor pour procurer l’enseignement du maître dans cette situation exceptionnelle. Pour réaliser le potentiel, il doit gérer toute la phase délicate du processus d’ignition. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le matériau existe mais il est en attente d’être révélé. Sans l’aide du mentor, le surdouement peut rester un potentiel non exploité en raison de l’écrasement social qui vise la stabilité du système et non l’épanouissement de l’homme au sein de l’humanité.