5393 - Vue d’Arles

N. Lygeros

« Puis, une vue d’Arles.

De la ville on n’aperçoit

que quelques toits rouges et une tour

le reste est cadré par de la verdure de figuiers,

cela tout au fond,

et une bande étroite de ciel bleu dessus.

La ville est entourée d’immenses prairies

toutes fleuries d’innombrables boutons d’or

– une mer jaune –

ces prairies sont coupées sur le premier plan

par un fossé rempli de fleurs d’iris violets.

On a coupé l’herbe pendant que j’étais

en train de peindre ce n’est donc qu’une étude

et non un tableau fait,

que j’avais, l’intention d’en faire.

Mais quel motif, hein !

Cette mer jaune avec une barre d’iris violets,

et au fond, la coquette petite ville aux jolies femmes ! »

Dans cette longue lettre à Bernard,

tu ne te contentes pas de généralités.

Tu décris avec précision tous les détails

de cette vue si particulière d’Arles.

Ce n’était pas seulement un aperçu

malgré l’abondante verdure de figuiers.

Il y avait chez toi une volonté infaillible

de retranscrire la nature sur la toile

grâce à une palette de nuances

qui n’hésitait pas à exagérer la réalité

pour être plus fidèle à l’esprit.

Tu aurais pu sombrer dans cette mer jaune

mais tu as réussi sur ton bateau ivre

à conserver les illusions perdues

d’une saison en enfer

qui n’en finissait pas de mourir.

Il aura fallu qu’ils te coupent

l’herbe sous les pieds devant le chevalet

pour cesser de peindre la vie.

L’esquisse aurait pu mourir

mais ce n’était pas le moment.