3098 - Humanitas et Tempus I

N. Lygeros

L’examen de la notion d’humanité dans un cadre strictement ontologique est réducteur. Sans sa nature diachronique et sa fixation temporelle, elle semble localement isomorphe à la société. Or cette dernière ne peut être qu’une projection dégénérée de la structure effective de l’humanité. Sans vision holistique, l’humanité ressemble à une abstraction artificielle pour ne pas dire un modèle ad hoc. Il ne s’agit pas non plus de la reconstruire à partir d’informations multi-locales qui donneraient un sens global. Ceci n’est pas notre but, car il n’est ni cognitivement robuste, ni mathématiquement fiable. Le modèle abstrait de l’humanité est plus complexe et nécessite l’intervention intrinsèque du temps. Toute approche qui ne tient pas compte de l’élément temporel, n’est pas seulement dépourvue d’efficacité conceptuelle mais aussi dénie la structure profonde de l’humanité. Car le temps fonctionne aussi comme espace de mémoire pour l’humanité. Aussi nous ne pouvons nous contenter de l’ontologie de l’humanité et du temps, il nous faut saisir l’aspect téléologique de cet assemblage. Eléments indissociables pour la pensée humaine, l’humanité et le temps agissent de manière cybernétique. Sans le feedback, nous aurions une machine à effacer le temps. Sans analyse rétrograde, il n’est pas possible d’avoir une synthèse du futur. L’humanité s’inscrit dans le temps car elle est avant tout une signature temporelle. En fixant ses traces, l’humanité ne se contente pas d’acquérir une dimension temporelle. Elle donne aussi du sens au temps puisqu’elle lutte contre l’entropie. Via son intelligence l’humanité crée des structures temporelles qui ne permettent plus une vision temporelle linéaire. L’espace de causalité n’est pas seulement une transposition d’une géométrie caractéristique qui serait modélisable aisément. Topologiquement, elle est plus riche et moins rigide même si elle est robuste. C’est en ce sens que nous pouvons affirmer que le temps est avec nous. Car il permet de construire et de se construire dans une relation qui est nécessairement conflictuelle avec l’inertie sociale. Aussi il nous est nécessaire de gérer les frictions intrinsèques du développement et de l’évolution de l’humanité dans un contexte temporel et pour cela nous devons résoudre aussi des problèmes synchroniques et de nature spatiale. Dans ce cadre la relation conflictuelle est certes plus intense car l’humanité semble dépourvue d’épaisseur temporelle aussi elle peut plus aisément subir une violation et même un crime contre elle. Il nous sera donc nécessaire de traiter ce point afin de démontrer le sens de l’avenir même dans un contexte génocidaire qui représente l’un des crimes contre l’humanité. Cela nous permettra de plus d’aborder la polycyclicité temporelle puisque c’est l’un des moyens dont dispose l’humanité pour transcender ces problèmes et survivre au problème du suicide. Dans ce sens, nous poursuivons la quête d’Albert Camus, mais dans un champ holistique qui tient compte des singularités et des anomalies structurelles de l’espace cognitif de l’humanité que nous appelons noosphère. Le seul qui nous permette de développer librement notre théorie des schémas mentaux.