2612 - Prise en passant

N. Lygeros

Sur l’échiquier politique français, de nombreuses personnalités gèrent la problématique européenne comme une contrainte secondaire. Ils en oublient sa position centrale et se retrouvent dans la position du joueur d’échecs débutant qui au moment de son développement rapide découvre l’existence de la prise en passant. Pourtant cette règle échiquéenne existait avant même le début de la partie. La conséquence de cette stratégie incohérente, c’est qu’en moyenne nous donnons bien plus d’importance aux députés nationaux qu’aux députés européens. Alors que la réalité européenne existe et domine l’ensemble des décisions internationales. Aussi malgré les grandes rhétoriques que nous entendons le pouvoir décisionnel est ailleurs et c’est là que se fixent les règles du jeu qui désormais se joue à 27 joueurs. A l’heure actuelle, ne pas être européen, ce n’est pas manquer de réalisme ou faire preuve d’utopisme, c’est tout simplement être inconscient. Chacun de nos mouvements est européen et en dehors de ce contexte il n’a aucun sens. Certes les choses peuvent être présentées de différentes manières mais le fond est toujours le même. L’ensemble des candidats peut prétendre ce qu’il désire dans la phase de la campagne mais dès l’élection faite, il devra travailler dans un cadre européen. La France n’est pas la dernière roue de la charrette dans l’entité européenne. Il ne suffit pas d’en être conscient, il faut revendiquer une place d’élément moteur. Or ceci n’est possible que dans le cadre de l’axe franco-allemand. En effet seul ce dernier est capable de résister efficacement aux pressions outre atlantiques et pas seulement. Nous avons de plus besoin d’une zone euro qui se développe afin d’être le plus possible cohérente avec l’Union Européenne. Car l’euro représente une stratégie de facto au niveau de la convergence des politiques économiques. Il est dommage que des pays comme la Slovénie – qui a intégré la zone euro en Janvier 2007 – et Chypre – qui intègre la zone euro en Janvier 2008 – soient plus conscients de la valeur de l’euro que le misérabilisme français. En France, nous nous comportons comme les enfants gâtés. Alors qu’à l’instar d’Obélix nous sommes tombés dans la potion européenne dès la naissance, nous nous demandons sans cesse quel est l’état de nos forces. Faudra-t-il que tous les Français partent en long séjour à l’étranger pour qu’ils se rendent compte des bénéfices de vivre en France. Une problématique franco-française des problèmes ne mène à rien si ce n’est à des formes d’extrémisme. La France est au cœur de l’Union Européenne mais il faudrait d’une part que les Français en soient conscients et d’autre part qu’ils s’efforcent d’être dans sa pensée. Même si la France appartient au noyau de la pensée européenne, son comportement sur l’échiquier politique demeure avant tout celui d’un débutant qui tente de paraître devant un public qui ne connaît rien du jeu d’échecs et qui pourtant joue bien souvent le rôle du pion sacrifié par un fou du roi. L’enjeu véritable est dans le jeu et non dans les échecs.