2044 - Le sens de l’arménité

N. Lygeros

Le génocide des Arméniens n’est pas une donnée intrinsèque aussi il ne peut caractériser à lui seul l’arménité. Le génocide en tant que tel n’appartient pas au peuple arménien. Même s’il représente un point fondamental dans l’histoire de l’Arménie, il ne peut la définir. Il n’est qu’une caractéristique. Le peuple arménien ne devait pas nécessairement connaître le génocide. Cette connaissance n’était pas nécessaire et elle n’est pas suffisante non plus car le peuple arménien ne peut être réduit à la notion de pays victime d’un génocide. De même que le génocide ne peut être réduit à un problème de reconnaissance. L’arménité est un amalgame culturel, social et politique enrichi par la notion de diaspora. Seulement l’arménité a de la profondeur. Elle est constituée de contes, de légendes, de lettres et de récits qui sont le patrimoine du pays. Si le génocide a apporté une chose à l’Arménie à travers la souffrance, c’est la notion de rareté. Dans ce pays, désormais tout est plus important qu’auparavant. Chaque élément du patrimoine arménien a son importance car même les fleurs sauvages si chères pour notre Louise Kiffer appartiennent à un ensemble stratégique de résistance. Nous ne pouvons plus nous contenter de les couper, il faut aussi les sauvegarder. A travers le génocide, l’arménité a découvert la fragilité et le caractère éphémère des choses. Les détails de notre enfance, les mots de nos parents, les souvenirs des ancêtres, tout est essentiel à l’avenir du peuple arménien. Nous sommes responsables de cette culture car sans elle, le peuple arménien n’aurait de sens. Et dans cette culture se trouve aussi la langue arménienne avec son magnifique alphabet qui constitue un joyau linguistique. C’est cet ensemble de choses que nous revendiquons à travers les recours à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. C’est aussi pour cela que même le pouvoir et la description de la propriété peuvent être rédigés en arménien. L’Arménie appartient au Conseil de l’Europe. L’arménien est officiellement une langue européenne au sens juridique du terme depuis que la Hongrie a déclaré sa communauté au moment de son entrée dans l’Union Européenne en mai 2004. Ces acquis, nous devons les utiliser et les exploiter sinon ils n’ont pas de sens. Nous devons les intégrer dans la cause arménienne non seulement comme des éléments mais comme des arguments et des instruments. Sans la composante européenne, l’Arménie ne peut défendre ses droits au niveau international. Seulement il s’agit d’un combat à mener sur plusieurs fronts. Il faut remettre en cause le Traité de Kars puisque l’Union Soviétique n’est plus. Il faut revendiquer le Traité de Sèvres, non pour le voir appliqué mais pour exercer une pression efficace sur le Traité de Lausanne. Il faut exploiter judicieusement ce dernier pour mettre en exergue sa non application par la Turquie. Chaque point stratégique doit être mis en évidence, étudié et utilisé pour que l’arménité ne perde son sens.