1354 - Sur le diagramme historique de la notion de groupe abstrait

N. Lygeros

Contrairement à ce que l’on pourrait penser la notion de groupe abstrait i.e. l’axiomatique du groupe, n’a pas été évidente à mettre en place. Nous avons une approche fragmentaire de la part d’Abel avec des résultats malheureusement posthumes. Puis une approche très concrète de la part de Galois mais même ce dernier et ce, dans l’ensemble de ses travaux ne donne jamais la définition de la notion de groupe. Comme si elle allait tellement de soi qu’il n’était pas nécessaire de la formuler. Car il est vrai que de manière séparée, chacun des axiomes qui définissent l’axiomatique de la notion de groupe abstrait est malgré tout élémentaire. En réalité, chaque mathématicien de ce XIXème siècle travaillait sur des exemples concrets et spécifiques de groupe et à chaque fois pour une application. Il ne s’agissait jamais d’une étude en soi, totalement algébrique, où la notion de groupe n’aurait été étudiée que pour elle-même sans autre finalité. De plus très rapidement dans ces recherches concrètes qui proviennent de problèmes énumératifs nous voyons apparaître la notion de groupe d’automorphismes qui agit sur les symétries de l’objet étudié. Comme nous l’avons montré dans un précédent article, le groupe d’automorphismes est une notion puissante et profonde. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a quelque peu masqué l’intérêt d’étudier le groupe abstrait. Car d’une certaine manière il s’agit de faire une abduction. En effet, tout objet donné permet de construire un groupe d’automorphismes et par conséquent ce groupe. Alors que la recherche du groupe en soi et ce, indépendamment de tout objet est considérablement plus abstraite. Aussi il n’est pas si étonnant de ne pas le trouver dans l’œuvre de Cayley qui s’intéressait aux arbres et aux graphes. D’ailleurs si nous étudions ce problème pour lui-même, nous pouvons nous retrouver dans des catégories d’objets dont les groupes d’automorphismes ne parcourent pas l’ensemble des groupes. Ainsi il existe des groupes abstraits qui ne peuvent être associés à un objet. Par exemple Birkhoff a résolu totalement ce problème pour les posets ce qui résout du même coup le problème pour les graphes. Et nous avons optimisé son résultat dans certaines catégories spécifiques de groupes comme les groupes cycliques et en particulier ceux d’ordre premier. Cependant cela ne peut être le cas pour les arbres justement en raison de l’absence de cycle ou en d’autres termes d’arêtes de transition lorsque l’arbre est transformé en poset. Aussi il fallait que les objets étudiés soient plus étendus en termes de théorie des groupes. Car les travaux de Birkhoff appartiennent au XXème siècle. Les apports successifs et parfois parallèles de mathématiciens comme Kronecker, Dyck, Weber, Burnside, Frobenius et Hölder ont contribué à la définition axiomatique de la notion de groupe mais sans jamais l’atteindre. Comme si cette notion ne pouvait être définie qu’au XXème siècle après la formalisation.